QU'EST-CE QUE LA COORDINATION PARENTALE ?

La coordination parentale est un mode alternatif de résolution des différends introduit récemment en France, destiné aux parents séparés confrontés à des désaccords importants, récurrents et persistants à propos du quotidien de leurs enfants. Centrée sur la prise en compte des besoins fondamentaux des enfants, elle propose un accompagnement spécifique dans le cadre judiciaire, pour faciliter l'après-séparation et l'exercice de l'autorité parentale, afin d'éviter les dommages collatéraux des conflits prolongés sur les enfants.

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Être des parents séparés peut s’avérer une tâche difficile.
La séparation figure parmi les évènements de vie les plus stressants et difficiles à vivre en raison de ses multiples conséquences simultanées sur le plan affectif, émotionnel, organisationnel, financier, social. Le bouleversement et la réorganisation du quotidien qu'elle engendre comporte de nombreux enjeux et peut s'avérer complexe à gérer.

L’objectif de la coordination parentale est d’aider la famille séparée à s’adapter aux changements qu’induit la séparation, en réduisant la conflictualité parentale liée à cette difficile période de transition. Ceci grâce à un accompagnement sur une période de moyen à long terme, le temps nécessaire pour que s’améliore et se stabilise durablement la situation ; afin de permettre aux enfants de grandir sereinement et que puisse être retrouvé un nouvel équilibre, nécessaire au bien-être psychique et émotionnel de chacun.

De nombreuses études effectuées sur les effets de la séparation et du divorce indiquent clairement qu’il s’agit d’une période de stress majeure pour les parents, propice à l’exacerbation des désaccords et des émotions, et que les enfants qui, involontairement, se retrouvent au centre de ces conflits parentaux chroniques, peuvent être affectés profondément dans la construction de leur personnalité et dans leur développement (impacts sur le plan psychosocial, scolaire, de la santé, trouble de l’attachement….). Les parents peuvent également souffrir de ces conflits avec des répercussions sur leur santé physique et mentale (épuisement, troubles du sommeil, symptômes dépressifs, arrêt de travail…). 

Si la séparation et le divorce sont des périodes très déstabilisantes et difficiles à vivre, ni les parents ni les enfants ne devraient cependant finir anéantis par ce processus. A ce propos, des études variées montrent que c’est le conflit parental persistant qui cause le plus de dommage et non la séparation en elle-même.

Ainsi, même si les parents ont l’intention de tout mettre en œuvre pour préserver leurs enfants, ils peuvent se retrouver malgré eux enlisés dans une situation conflictuelle durable et dans des procédures judiciaires à répétition, dont les impacts vont par ricochet affecter leurs enfants

Comme lors de toute rupture de vie majeure, l'on se trouve confronté à des enjeux auxquels on n’était pas préparé : les parents qui vivent une séparation n’ont jamais envisagé ni vécu leur parentalité autrement qu’au sein du couple. Le fait de devoir d’élaborer un nouveau mode de fonctionnement et de nouveaux repères,  provoque des déséquilibres et tensions parentales probablement inévitables, qui parfois ne parviendront pas à être réglés ni par la médiation (qui d'ailleurs n'est pas toujours appropriée) ni par un jugement du Tribunal.

Des problèmes et des conflits peuvent alors continuer à survenir longtemps après la séparation, rendant la situation difficile à supporter et empêchant pendant des années de vivre dans un climat serein. Ces tensions et désaccords peuvent concerner des sujets divers, qui parfois ne relèvent pas de la sphère de compétences du juge aux affaires familiales : modalités d'hébergement des enfants, gestion des imprévus, principes éducatifs, décisions concernant le suivi médical ou psychologique des enfants, scolarité, religion, participation des enfants à certaines activités parascolaires, communication parentale irrespectueuse, non-transmission de documents et d’informations importantes, jours fériés, événements exceptionnels, horaires de prise en charge et retour des enfants, liens avec la belle famille, rôle des nouveaux conjoints, sortie du territoire, difficultés à respecter l'intimité et la vie privée de l'ex-conjoint...

Dans ces circonstances de tensions permanentes, parfois entachées par des épisodes de violence verbale ou physique laissant des traces irrémédiables, les ressources émotionnelles des parents se retrouvent durablement mises à mal par le choc, la souffrance, la tristesse, la colère, la crainte ou le stress, et il peut devenir compliqué, voire impossible, de continuer à communiquer normalement, de faire preuve de coopération et de respect envers l’autre, d’arriver à réguler ses émotions, d’avoir un comportement modéré et une pensée flexible. 

C’est pourquoi, pour pouvoir apporter un soutien adapté à ces parents dans le but de préserver leurs enfants, la coordination parentale propose un un cadre spécifique pour accompagner la famille séparée, tout en respectant ses singularités : 

  • en adoptant une lecture systémique de la situation, orientée vers les solutions
  • en travaillant en interdisciplinarité et en partenariat avec tous les autres professionnels impliqués dans la situation (enseignants, personnel de crèche, suivis paramédicaux/santé etc.) ; et en particulier avec les avocats s'il y en a, qui font alors partie prenante du processus de coordination parentale et s'engagent à soutenir leurs clients dans la recherche de solutions consensuelles dans l'intérêt des enfants
  • en permettant aux parents séparés d’avoir leur espace propre d’expression, d’élaboration et de réflexion, à travers des phases d’entretiens individuels, sans être nécessairement en présence de l’autre parent. Ceci afin de respecter le besoin d'une prise de distance parfois nécessaire, pour que chacun puisse se recentrer sur ses ressources personnelles ; et permettant ainsi d’accueillir toutes les formes de coparentalité, dont la coparentalité dite parallèle (recommandée dans les cas de hauts conflits, de violences physiques ou psychologiques antérieures)
  • en recevant les enfants et en les impliquant avec précaution, afin de leur permettre d’exprimer leurs ressentis dans un cadre sécurisé et de mieux comprendre leurs besoins. Leur point de vue contribuant à la compréhension de la dynamique familiale et permettant la sensibilisation des parents à leurs difficultés, afin de contribuer à des relations parent-enfant saines et secures
  • en organisant si besoin et seulement lorsque les conditions sont réunies, des rencontres familiales ou parentales ou parent-enfant pour mettre en commun les informations, favoriser la circulation de la parole et faire évoluer la situation 
  • en répérant d'éventuels comportements de violence sous toutes ses formes/de contrôle coercitif, ou d'abus
  • en proposant aux parents des documents, lectures, vidéos pour soutenir les processus de réflexion et d'élaboration
  • en transmettant des conseils et éclairages basés sur la recherche clinique et scientifique 
  • en remettant des bilans écrits périodiques aux parents et aux avocats, faisant le point sur les avancées et les accords établis
  • en accompagnant la famille sur un temps relativement long (minimum 6 mois / en moyenne 12 mois)
  • en rédigeant un compte-rendu factuel des avancées, des éventuelles difficultés rencontrées et des points de blocage, à destination du juge (lorsque ce dernier a désigné le coordinateur parental dans le cadre d'un jugement ou d'une ordonnance)
  • en formalisant l’entrée en coordination parentale par la signature d’une convention entre le coordinateur, les parents et leurs avocats qui en décrit les modalités, la durée, les objectifs, les droits et obligations de chaque parent ; ainsi que les modalités du rôle et de la participation des avocats, qui s'engagent à coopérer au processus et à soutenir leur client dans la recherche de solutions consensuelles dans l'intérêt des enfants.

Aux Etats-Unis où est née la coordination parentale, l’Association of Family and Conciliation Court (AFCC) a édicté des lignes directrices concernant la pratique de la coordination parentale et la définit de la façon suivante : « un processus hybride psycho-judiciaire, axé sur l'enfant et mené par un professionnel de santé mentale qualifié ou un professionnel du droit de la famille qualifié ou un médiateur familial qualifié ; ayant une expérience professionnelle pratique des affaires familiales hautement conflictuelles ».

En fonction des pays où est pratiquée la coordination parentale, il existe toutefois certaines différences de pratique en raison de législations qui diffèrent. Par exemple, certaines législations autorisent l'arbitrage en matière familiale ce qui permet au coordinateur parental d’avoir une délégation de pouvoirs pour trancher certains différends, ce qui n'est pas possible en France. Ou alors, certains pays ne pratiquent la coordination parentale que dans un cadre judiciaire uniquement sur ordonnance du juge, tandis que d’autres l’ont développé dans un cadre conventionnel également.

En matière familiale, les liens d’interdépendance sont complexes et bien souvent le droit, s'il s'avère nécessaire, ne peut résoudre et répondre à lui tout seul aux enjeux humains singuliers qui se posent, d'où l'importance qu'existent en parallèle des espaces de soutien complémentaires appropriés.

QUEL EST LE RÔLE DU COORDINATEUR PARENTAL ?

En tant qu’intervenant auprès des familles séparées qui vivent des conflits importants, le coordinateur parental a un rôle hybride. Il fait appel à des techniques utilisées en médiation familiale, en coaching, en systémie ou en thérapie brève, pour aider les parents et leurs enfants à traverser au mieux cette période difficile et avancer. Cependant, le rôle d'un coordinateur parental diffère de celui d’un thérapeute et d’un médiateur, notamment car il partage des informations au juge, dans l'intérêt supérieur des enfants.

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Le coordinateur parental est un appui et une ressource pour tous les membres de la famille séparée, offrant un suivi sur-mesure et structurant. Il soutient l’expression des enfants et tient un rôle d’intermédiaire entre les coparents, assurant un lien fonctionnel entre eux, le temps que soit établi un mode de fonctionnement consensuel et que soit développé des habiletés coparentales. Il crée avec chacun un lien basé sur le respect, la confiance et l'impartialité.

Le coordinateur endosse un rôle pluridimensionnel : celui d’analyse de la situation, de pédagogue, de coordinateur, de gestionnaire de conflit et d’aide à la prise de décision. Son objectif est de parvenir à apaiser la situation en : accompagnant la mise en place d’un plan parental convenu entre les parents ou d'un jugement rendu par le juge aux affaires familiales ; résolvant les causes du conflit parental ; distinguant ce qui relève du conflit ou de la violence, transmettant différentes ressources aux parents ; construisant des solutions mutuellement acceptables sur les points de désaccords du quotidien, tout en tenant compte du meilleur intérêt de l’enfant et de la singularité de chaque situation.

  • Rôle d’analyse :  le coordinateur analyse les sources du conflit, identifie les impasses de la situation et les problèmes mis en avant par les parents ainsi que les besoins, en s’appuyant sur la consultation des documents pertinents et de toutes autres informations découlant des entrevues avec les personnes impliquées.
     
  • Rôle de psychoéducation / pédagogue : le coordinateur sensibilise et responsabilise les parents en leur transmettant de l'information sur : le développement de l’enfant, les difficultés inhérentes au processus de séparation et à la gestion d’une rupture, les mécanismes du conflit, la différence entre la violence et le conflit, l'impact du conflit et de la violence sur les enfants, le conflit de loyauté, la gestion de la colère, la régulation émotionnelle, les habiletés à une communication efficace et à la résolution de conflits... ; en s’appuyant sur des données issues de la recherche et études sociologiques, scientifiques et cliniques. 
     
  • Rôle de coordination : le coordinateur collabore avec tous les professionnels impliqués auprès de la famille (avocats, juges, pyschologues, services éducatifs, sociaux…) et avec toute personne impliquée dans la situation, y compris les membres de la famille élargie et autres personnes significatives s’il y a lieu. 
     
  • Rôle de gestion du conflit : le rôle principal du coordinateur parental est d'œuvrer à la résolution des désaccords entre les parents dans un délai raisonnable, afin de réduire le stress lié à ces situations. Cela passe par :
    • Accompagner la mise en plan du plan parental convenu entre eux, à l’aide d’un médiateur, de leurs avocats ou d'un jugement rendu par un Tribunal et au besoin le compléter ou le modifier afin qu’il couvre tous les aspects des problèmes du quotidien qui se posent concernant les enfants et les pratiques parentales associées
    • Aider les parents dans l’exercice de l’autorité parentale, dans la prise de décisions conjointes concernant le quotidien de leurs enfants 
    • Faciliter une communication fonctionnelle entre les parents au sujet de l’enfant, afin de le décharger de son rôle d'intermédiaire et de diminuer l’intensité du conflit de loyauté
    • Développer des modalités et des moyens de communication parentaux qui soient adaptés au niveau de tension existant 
    • Définir de nouvelles règles et de nouvelles frontières dans la relation coparentale qui soit adaptées à l'état de la relation
    • Clarifier les droits et devoirs de chacun
    • Identifier les véritables enjeux de la situation à long terme, pour éviter un enlisement du conflit et préserver la santé mentale et physique de chacun
    • Définir un niveau de respect minimum de la fonction parentale de chacun, en évitant  le dénigrement de l’autre devant les enfants
    • Permettre une meilleure inter-compréhension en déjouant les éventuels malentendus et incompréhensions
    • Aider les parents à passer de la parentalité conflictuelle à la parentalité parallèle dans le but de leur permettre de se désengager émotionnellement 
    • Aider si besoin au maintien de relations parent-enfant saines et significatives
    • Incorporer des sessions de suivi pour répondre aux besoins futurs et anticiper les éventuelles futures difficultés (pouvant se prévoir à 3, 6 ou 12 mois).
  • Aide à la prise de décisions : l’objectif principal du coordinateur parental est d’accompagner les parents à trouver des solutions consensuelles qui répondent au mieux aux besoins de leurs enfants et aux leurs en tant que coparents. S’il agit dans le cadre d’une mesure judiciaire, il rédige à destination du juge aux affaires familiales qui l'a désigné un compte-rendu factuel des avancées et des éventuels points de blocage rencontrées par la famille qu'il a accompagné.

 

D'OÙ VIENT LA COORDINATION PARENTALE ?

La coordination parentale est née aux États-Unis dans les années 1990 à partir du constat que les services traditionnels existants (médiation familiale, coaching de coparentalité, thérapie familiale … ) ne répondaient pas de façon suffisamment adéquate aux besoins des parents séparés en situation de conflits importants, persistants et récurrents, ni ne permettaient de préserver suffisamment les enfants du conflit. 
Aujourd'hui, ce MARD est présent dans une vingtaine de pays à travers le monde.

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Bien que tous ces services traditionnels s’avéraient être utiles dans certaines circonstances, ils se montraient souvent peu efficaces pour aider les parents en prise à des conflits de haute intensité et préserver du conflit les enfants pris au milieu des procédures judiciaires post-divorce.

En réponse à cela, a émergé un type de soutien alternatif, la coordination parentale (parenting coordination), qui s’est progressivement développée dans de nombreux États américains. Cette pratique s’est formalisée dans les années 2000 via la création par l’AFCC (Association of Family and Conciliation Courts) d’un comité multidisciplinaire, pour l'élaboration de lignes directrices et de recommandations professionnelles pour les coordinateurs parentaux. Un document édité en 2005 et révisé en 2019 est devenu, à ce jour, le guide de référence pour ceux qui travaillent dans le domaine, bien qu’en fonction des législations, les règles régissant le processus, les façons de pratiquer et de développer cette approche varient d’une juridiction ou d’un État à l’autre. 

Par exemple, dans certains pays ou districts, l’arbitrage en matière familiale est possible, ce qui permet aux coordinateurs parentaux de prendre des décisions, tandis qu’ailleurs, cette délégation de pouvoir est interdite par les lois en matière familiale (en France notamment). D’autre part, la coordination parentale qui a été initialement développée dans le cadre judiciaire sur ordonnance du juge, a également été déclinée dans certains États ou pays dans le cadre conventionnel.

Qu’en est-il ailleurs ? La coordination parentale à l’international

La coordination parentale s’est progressivement faite connaître au-delà des frontières américaines et s’est donc développée dans de nombreux pays à l'international.

Aujourd'hui, ce nouveau mode amiable est implanté dans des pays tel que le Canada, l’Argentine, le Mexique, Hong-Kong, Singapour, Israël, l’Australie, l’Afrique du Sud ainsi qu'en Europe : en Espagne depuis 2012, en Italie depuis 2014, en Grande Bretagne, en Suède.

pour plus d’informations sur les pratiques existantes au sein des différents États où s'est développée la coordination parentale :

Canada
Québecwww.aifi.info  
Ontariowww.riverdalemediation.com  ; stepstojustice.ca
Colombie britanniquewww2.gov.bc.ca

États-Unis
www.afccnet.org

Amérique du Sud
Mexique : https://www.anpjmx.com
Argentine : https://www.salta.gob.ar

Afrique du Sud https://famac.co.za/parenting-coordination/

Europe 
Grande-Bretagne : parentingcoordinators.co.uk
Italiewww.coordinazionegenitoriale.eu
Espagnecoordinadorparental.org

Israël https://onlinelibrary.wiley.com

Australiewww.parentingcoordinationaustralia.com.au

Hong Kongwww.hk-lawyer.org

Singapourhttps://www.judiciary.gov.sg

 

 

LA COORDINATION PARENTALE EN FRANCE

Bien que pratiquée et implantée dans de nombreux pays à travers le monde, la coordination parentale est encore très peu connue en France. Mais l'expérience positive de son introduction sur la juridiction du Tribunal de La Rochelle depuis 2021 devrait progressivement permettre son développement dans d'autres juridictions, d'autant plus grâce à l'ouverture en 2024 de la première certification française à la coordination parentale.
L'Association française de coordination parentale - AFCOPA - a également été créée tout récemment.

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Le relais de cette nouvelle approche sur le sol français s'est fait grâce la québécoise Lorraine FILION qui voyage régulièrement du Québec vers l’Europe pour donner des formations et conférences.  Dominic d'ABATE, médiateur familial et coordinateur parental québecois également, a pour sa part écrit plusieurs publications en français sur la coordination parentale.

Dominic d'ABATE et Lorraine FILION font partie des professionnels qui ont participé à l’implantation de la coordination parentale au Québec et à la mise en oeuvre du 1er projet pilote de coordination parentale à Montréal de 2012 à 2014, qui fut financé par le Ministère de la Justice. Dès 2014, ils ont contribué avec le Centre Consensus établi à Montréal et dirigé par Dominic d'Abate, à développer et dispenser la première formation à la coordination parentale en langue française au Québec. 

Lorraine FILION donne depuis plusieurs années en France des formations à la pratique du coaching coparental, une autre pratique existant au Québec, proche de la coordination parentale (mais le coaching coparental étant davantage une démarche conventionelle, destinée aux conflits de moyenne intensité).

Pour pallier l'absence de formation en France à la coordination parentale, la première certification française à la coordination parentale a vu le jour en 2024 sous forme d'un Certifcat universitaire à l'Université de La-Roche-sur-Yon.

Étant donné qu’actuellement en France la pratique de la coordination parentale n’est pas une activité professionnelle réglementée, sa mise en œuvre repose uniquement sur des initiatives individuelles et des conventions locales.

Une première expérience française à la Rochelle

Sur la juridiction du Tribunal judiciaire de la Rochelle, une expérience de mise en oeuvre de la coordination parentale a démarré en juin 2021, portée par deux professionnelles partageant le même souhait.

A l'origine du projet, Marie-Clotilde DANIS, médiateure en matière familiale diplômée d'Etat, confrontée dans sa pratique à certaines limites du cadre de la médiation pour accompagner les parents vivant des hauts conflits, et ayant à coeur de pouvoir aider ces familles à retrouver un équilibre, a souhaité se former à une nouvelle approche à expérimenter et développer localement.

L'expérience positive de La Rochelle amène aujourd'hui de nombreux professionnels à vouloir développer la coordination parentale dans leurs juridictions. De nouveaux projets sont actuellement en cours de gestation dans différents Tribunaux et verront le jour prochainement, grâce aux coordinateurs parentaux en cours de certification. 

Pourquoi la coordination parentale plutôt que le modèle dit de Cochem OU DE CONSENSUS  ?

Il existe en Europe un autre modèle dont l’efficacité a été prouvée en matière d’aide à la résolution de hauts conflits coparentaux.

Il s’agit du modèle dit de Cochem, développé en Allemagne dans les années 1990 par un juge aux affaires familiales qui souhaitait sortir de la conception gagnant/perdant qui prévalait dans le cadre de séparations conflictuelles. Depuis, ce modèle a été reproduit et adapté en Belgique à Dinant et plus récemment en Suisse dans les cantons du Valais et de Vaud,  à l’initiative de juges aux affaires familiales, sous l’appellation de “modèle de consensus parental”.

La particularité de ce modèle s'articule autour de trois grands principes :
- Tout doit se subordonner à l'intérêt et à la position des enfants.
- Le calendrier de la procédure et les délais sont raccourcis pour que les situations conflictuelles ne se figent pas.
- Est mise en oeuvre une coopération interdisciplinaire entre tous les acteurs impliqués dans la procédure (juge, avocats, psychologues, médiateurs..).

En France, en 2008, Dominique Versini, défenseure des enfants de l’époque, dans son rapport annuel consacré aux « Enfants au cœur des séparations parentales conflictuelles », faisait déjà référence au modèle de Cochem pour souligner l’importance de développer des réseaux pluridisciplinaires dans les contentieux familiaux, afin de permettre une désescalade du conflit en vue d'améliorer la protection due à l’enfant. juridique.defenseurdesdroits.fr (p.235)

Puis en 2018, le député Philippe Latombe a de nouveau attiré l’attention de la garde des sceaux, ministre de la justice, sur cette méthode de Cochem et ses effets bénéfiques (dans le cadre des questions écrites à l’Assemblée nationale), demandant à ce que de possibles expérimentations locales du modèle de Cochem puissent être menées sur le sol français, au sein de juridictions qui se prêteraient à l’expérience. La réponse donnée fut que “ l'outil le plus adapté à son expérimentation en France serait la conclusion de conventions locales interprofessionnelles. Les juridictions intéressées par cette méthode, les avocats spécialisés dans le contentieux de la famille, les médiateurs et, le cas échéant, d'autres acteurs, associatifs notamment, ont donc d'ores et déjà la possibilité d'élaborer ensemble le cadre d'une coopération interdisciplinaire destinée à favoriser le traitement apaisé des contentieux familiaux". questions.assemblee-nationale.fr

Par ailleurs, on trouve également une résolution adoptée en 2015 par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui incite les Etats membres à “favoriser une coopération pluridisciplinaire inspirée du modèle dit de Cochem dans le cadre des procédures judiciaires en matière familiale impliquant des enfants”. assembly.coe.int (point 5.9)

Toutefois, bien qu’efficace et reconnu, le modèle de Cochem paraît à ce jour plus complexe à développer à grande échelle en France que la coordination parentale, étant donné qu’il implique des changements à de nombreux niveaux : modifications des formulaires de requête, modification de la procédure et raccourcissement des délais d’audience, réunions interprofessionnelles fréquentes et régulières…

La coordination parentale s’en rapproche dans sa philosophie, notamment par son souci d’instaurer dans l’intérêt de l’enfant la concertation et la coopération entre les professionnels impliqués. Elle constitue ainsi une démonstration pour les parents d’une autre façon de faire possible, permettant de mieux prendre en compte les besoins de leurs enfants tout en les protégeant des effets du conflit, en privilégiant la construction plutôt que l’affrontement.
Elle pose les bases d'un changement de paradigme dans le traitement des contentieux familiaux.