La coordination parentale est une pratique écosystémique et structurée de soutien aux parents séparés, qui s'exerce dans un cadre judiciaire et est destinée aux situations potentiellement à risque pour les enfants. Son objectif est d'assurer préventivement une protection effective des enfants dans le contexte de la séparation, en tenant compte de leurs besoins fondamentaux de sécurité et de soutien. Elle a été introduite en France en 2021 et des coordinateurs parentaux sont actuellement désignés par des juges aux affaires familiales dans 10 juridictions françaises.
Lire plus ....Être des parents séparés peut s’avérer une tâche difficile.
La séparation figure parmi les évènements de vie les plus stressants et difficiles à vivre en raison de ses multiples conséquences simultanées sur le plan affectif, émotionnel, organisationnel, financier, social. Le bouleversement et la réorganisation du quotidien qu'elle engendre comporte de nombreux enjeux qui peuvent se prolonger dans le temps et s’avérer très complexes à vivre, même des années plus tard.
L’objectif de la coordination parentale est d'assurer préventivement une protection effective des enfants dans le contexte de la séparation, en tenant compte de leurs besoins fondamentaux de sécurité et de soutien. Sa spécificité est de s’adresser aux parents séparés qui sont confrontés à des désaccords persistants, et dont les enfants se retrouvent exposés à de l'hostilité chronique, à des scènes d'agressivité ou de dénigrement entre leurs parents. Ceci grâce à un accompagnement sur une période de moyen à long terme (6 à 24 mois), le temps nécessaire pour que s’améliore et se stabilise durablement la situation ; afin de permettre aux enfants de grandir sereinement et que puisse être retrouvé un nouvel équilibre, nécessaire au bien-être psychique et émotionnel de chacun.
De nombreuses études effectuées sur les effets de la séparation et du divorce indiquent clairement qu’il s’agit d’une période de stress majeure pour les parents, propice à l’exacerbation des désaccords et des émotions, et que les enfants qui, involontairement, se retrouvent au centre de ces conflits parentaux chroniques, peuvent être affectés profondément dans la construction de leur personnalité et dans leur développement (impacts sur le plan psychosocial, scolaire, de la santé, de l’attachement….). Les parents peuvent également souffrir de ces conflits avec des répercussions sur leur santé physique et mentale (épuisement, troubles du sommeil, symptômes dépressifs, arrêt de travail…).
Si la séparation et le divorce sont des périodes très déstabilisantes et difficiles à vivre, ni les parents ni les enfants ne devraient cependant finir anéantis par ce processus. A ce propos, des études variées montrent que c’est le conflit parental persistant qui cause le plus de dommage à terme et non la séparation en elle-même.
Ainsi, même si les parents ont l’intention de tout mettre en œuvre pour préserver leurs enfants, ils peuvent se retrouver malgré eux enlisés dans une situation conflictuelle durable et dans des procédures judiciaires à répétition, dont les impacts vont par ricochet affecter leurs enfants.
Comme lors de toute rupture de vie majeure, l'on se trouve confronté à des enjeux auxquels on n’était pas préparé : les parents qui vivent une séparation n’ont jamais envisagé ni vécu leur parentalité autrement qu’au sein du couple. Le fait de devoir élaborer un nouveau mode de fonctionnement et de nouveaux repères, provoque des déséquilibres et tensions parentales probablement inévitables, qui parfois ne parviendront pas à être réglés ni par la médiation (qui d'ailleurs n'est pas toujours appropriée) ni par un jugement du Tribunal.
Des problèmes peuvent alors continuer à survenir longtemps après la séparation, rendant la situation difficile à supporter et empêchant pendant des années de vivre dans un climat serein. Ces tensions et désaccords peuvent concerner des sujets divers, qui parfois ne relèvent pas de la sphère de compétences du juge aux affaires familiales.
Dans ces circonstances de tensions permanentes, parfois marquées par des épisodes de violence verbale, physique, économique etc. laissant des traces irrémédiables, les ressources émotionnelles des parents se retrouvent durablement mises à mal par le choc, la souffrance, la tristesse, la colère, la crainte ou le stress chronique, et il peut devenir compliqué, voire impossible, de continuer à communiquer normalement, de faire preuve de coopération et de respect envers l’autre, d’arriver à réguler ses émotions, d’avoir un comportement modéré et une pensée flexible.
C’est pourquoi, pour pouvoir apporter un soutien adapté à ces parents dans le but de préserver leurs enfants, la coordination parentale propose un un cadre spécifique :
L'accompagnement, qui est centré sur les besoins de protection et de soutien des enfants :
- Permet aux parents de trouver avec l’aide du coordinateur parental, des façons de préserver leurs enfants des impacts négatifs de ces situations.
- Différencie ce qui relève d'une dynamique conflictuelle respectant l'altérité, de ce qui relève de comportements violents ou contrôlants niant l'altérité.
- Facilite la mise en oeuvre et le suivi des décisions prises par le juge et/ou facilite la recherche d'accords parentaux appropriés concernant les enfants.
- Se focalise sur l’articulation des rôles parentaux autour des besoins de l'enfant, la mise en place d’une organisation précise et la tranmsission respectueuse d'informations concernant l'enfant, plus que sur la recherche de la reprise d'un dialogue entre les ex-conjoints.
- N'a pas pour objectif le maintien d'une co-parentalité, ni le maintien de contacts entre un enfant et son parent si les circonstances y sont défavorables.
En matière familiale, les liens d’interdépendance sont complexes et bien souvent le droit, s'il s'avère nécessaire, ne peut résoudre et répondre à lui tout seul aux enjeux humains singuliers qui se posent, d'où l'importance qu'existent en parallèle des espaces complémentaires appropriés.
En tant qu’intervenant auprès des familles séparées qui vivent des situations complexes, le coordinateur parental a un rôle hybride et partage des informations au juge aux affaires familiales, dans l'intérêt supérieur des enfants.
Lire plus ....Le coordinateur parental est un appui et une ressource pour tous les membres de la famille séparée, offrant un suivi sur-mesure et structurant. Il mène le processus lors d'entretiens avec chacun des parents mais aussi avec leurs enfants.
Sa mission est de permettre aux enfants de grandir dans un environnement familial suffisamment sécurisant.
Il travaille prioritairement en entretiens individuels, avant de déterminer si des séances communes sont appropriées. Il peut mener l'ensemble du processus sans que les parents n'aient à se retrouver en séance conjointe.
Il soutient l’expression des enfants et tient un rôle d’intermédiaire entre les parents, le temps que soit établi une organisation fonctionnelle et que soit développé des modalités de communication sécurisantes adaptées à la situation.
Le coordinateur endosse un rôle pluridimensionnel : celui d’analyse des dynamiques relationnelles, de dépistage des violences, de psychoéducateur/pédagogue, de coordinateur, de résolution des différends et d’aide à la prise de décision.
La coordination parentale est née aux États-Unis dans les années 1990 à partir du constat que les services traditionnels existants (médiation familiale, coaching de coparentalité, thérapie familiale, enquête sociale… ) ne répondaient pas de façon suffisamment adéquate aux situations des parents séparés vivant une séparation complexe, ni ne permettaient de préserver suffisamment les enfants des conséquences de ces situations.
Aujourd'hui, cet accompagnement hybride est présent dans une vingtaine de pays à travers le monde.
En réponse à cela, a émergé une pratique alternative, la coordination parentale (parenting coordination), qui s’est progressivement structurée et développée dans de nombreux États américains. Cette pratique s’est formalisée dans les années 2000 via la création par l’AFCC (Association of Family and Conciliation Courts) d’un comité multidisciplinaire, pour l'élaboration de lignes directrices et de recommandations professionnelles pour les coordinateurs parentaux. Un document édité en 2005 et révisé en 2019 est devenu, à ce jour, le guide de référence pour ceux qui travaillent dans le domaine, bien qu’en fonction des législations, les règles régissant le processus, les façons de pratiquer et de développer cette approche varient d’une juridiction ou d’un État à l’autre.
Par exemple, dans certains Etats, l’arbitrage en matière familiale est possible, ce qui permet aux coordinateurs parentaux de prendre des décisions pour trancher certains différends, tandis qu’ailleurs, cette délégation de pouvoir est interdite par les lois en matière familiale (en France notamment). D’autre part, la coordination parentale qui a été initialement développée dans le cadre judiciaire sur ordonnance du juge, a également été déclinée dans certains pays dans le cadre conventionnel (hors saisine du juge).
La coordination parentale s’est progressivement faite connaître au-delà des frontières américaines et s’est donc développée dans de nombreux pays à l'international.
Aujourd'hui, cette pratique est implantée dans des pays tel que le Canada, l’Argentine, le Mexique, Hong-Kong, Singapour, Israël, l’Australie, l’Afrique du Sud ainsi qu'en Europe : en Espagne depuis 2012, en Italie depuis 2014, en Grande Bretagne, en Suède.
Canada
Québec : www.aifi.info
Ontario : www.riverdalemediation.com ; stepstojustice.ca
Colombie britannique : www2.gov.bc.ca
États-Unis
www.afccnet.org
Europe
Grande-Bretagne : parentingcoordinators.co.uk
Italie : www.coordinazionegenitoriale.eu
Espagne : coordinadorparental.org
Belgique : https://www.coordinationparentale.be
Pays-Bas : https://parentingcoordination.nl/
Amérique du Sud
Mexique : https://www.anpjmx.com
Argentine : https://www.salta.gob.ar
Afrique du Sud : https://famac.co.za/parenting-coordination/
Israël : https://onlinelibrary.wiley.com
Australie : www.parentingcoordinationaustralia.com.au
Hong Kong : www.hk-lawyer.org
Singapour : https://www.judiciary.gov.sg
Pratiquée et implantée dans de nombreux pays à travers le monde, la coordination parentale a été introduite récemment en France, en 2021. Cette première expérience judiciaire positive a débouché sur la création en 2024 de la première certification française à la coordination parentale, permettant ainsi son essor progressif dans d'autres juridictions.
AFCOPA - L'Association française et francophone de coordination parentale a également été créée en 2024, afin de répértorier l'ensemble des professionnels certifiés : site de l'AFCOPA - Annuaire des coordinateurs parentaux
Le modèle développé en France a des spécificités propres, qui le distingue de ce qui peut se pratiquer dans d'autres pays.
Sur la juridiction du Tribunal judiciaire de la Rochelle, la première expérience française de mise en oeuvre de la coordination parentale a démarré en juin 2021, portée par deux professionnelles.
A l'origine du projet, Marie-Clotilde DANIS, médiateure en matière familiale diplômée d'Etat, confrontée dans sa pratique à certaines limites du cadre de la médiation pour accompagner les parents vivant des hauts conflits, et ayant à coeur de pouvoir aider ces familles à retrouver un équilibre, a cherché à se former à une nouvelle approche. En découvrant la coordination parentale, elle a souhaité l'expérimenter et la développer localement.
L'expérience positive menée à La Rochelle a amené de nombreux autres professionnels à vouloir développer la coordination parentale dans leurs juridictions.
Pour pallier à l'absence de formation en France à la coordination parentale, la première certification française à la coordination parentale a été créée en France en 2024, sous la forme d'un Certifcat universitaire à l'Université de La-Roche-sur-Yon, en Vendée.
Grâce aux différents coordinateurs parentaux progressivement certifiés, l'accompagnement en coordination parentale est aujourd'hui disponible dans de nombreuses juridictions, grâce à des Conventions avec les Tribunaux. Actuellement, des juges aux affaires familiales désignent des coordinateurs parentaux dans les juridictions de Paris, Lyon, Grenoble, Toulouse, Rennes, Angers, Bergerac, Bourgoin-Jailleu, Privas, Les Sables d'Olonne...